La période de guerre 1940-45

 

  C'est l'abbé Tomsen qui est directeur de l'école pendant ces années de tourmente.

  Il doit d'abord résoudre les problèmes engendrés par la « drôle de guerre ». Il faut remplacer les membres du personnel rappelés sous les armes, et organiser la vie scolaire malgré la réquisition de plusieurs locaux : la salle d’étude et le réfectoire des internes, notamment, deviennent des extensions de l’hôpital militaire tout proche.


  Dès le 10 mai 1940, l'invasion allemande entraîne l’exode de bien des élèves et professeurs. L'abbé Tomsen, lui-même, est contraint de partir dès le 11, car il est inscrit sur une liste d' « évacués obligatoires », du fait qu'il a travaillé pour la résistance en 1914-18. Il se retrouve en France, dans la région de Bordeaux, où il s'adonne à la pastorale paroissiale.

  Il essaie à diverses reprises de recontacter l'institut, et ses vaines tentatives lui font craindre le pire : la destruction des lieux. Quand il finit par apprendre qu'il n'en est rien, et qu'au contraire, les cours ont repris malgré les effectifs squelettiques, il décide de revenir à Liège. Il réintègre son école le 10 août, le jour de la fête de saint Laurent.

  Les cours, effectivement, ont repris avec l'aide de jeunes séminaristes, parmi lesquels l'abbé G. Gielen, que j'ai connu comme professeur de religion trente ans plus tard.
 

La L4, 4ème année électricité, en 1941 (le troisième élève en commençant par la droite est Jacques Degbomont, qui deviendra plus professeur à l'institut, grand spécialiste en matière de radio-télévision) :

Deux élèves électriciens avec
leur professeur Monsieur Piron, en 1942 :

  Un des gros problèmes est le ravitaillement. Il faut assurer la subsistance des internes,
aider les externes et les professeurs, ainsi que leurs familles :


  La solidarité s'organise. L'abbé Rénier (photo ci-contre) évoque ce souvenir : « Il s’agissait de deux boîtes en fer peintes en bleu et déposées sur les premiers bancs de ma classe. Vous les remplissiez de bonnes tartines au pain de froment, bien garnies de beurre et de viande, vous les Hesbignons suralimentés qui veniez en aide aux sous-alimentés de la ville et de la banlieue, arrivés en classe après un déjeuner aux carottes. C'était à dix heures, au bureau 26 du second étage, qu'avait lieu la distribution, et tout le monde était content : les campagnards d’avoir fait une bonne action ; les citadins d’avoir pu apaiser leur faim avec autre chose que du pain de ravitaillement ».
 

 

  À midi, le préfet circule entre les tables du réfectoire pour distribuer des plateaux de « collations » offertes par le « Secours d'Hiver » : fromages, sardines, foie de poisson, produits vitaminés, marmelades et confitures... Mais ce que nos affamés préfèrent, c'est le bol de soupe préparé par Madame Goffin, l'épouse du concierge. Une soupe consistante, faite à partir des cultures potagères de l'institut.



   A l'arrière de la chapelle (là où se situent actuellement les nouveaux bâtiments), existent en effet des jardins dont une partie est consacrée à des cultures maraîchères.

  Régulièrement, l'abbé Tomsen refuse de fournir aux autorités allemandes la liste des élèves aînés, menacés de réquisition pour le service de travail obligatoire (STO). Un jour de 1944, au sortir d’une messe de premier vendredi du mois, des officiers de la Feldpolizei embarque brutalement notre directeur. Heureusement, cette captivité ne dure pas. Grâce à Dieu, les maîtres de l’heure ne soupçonnent qu'il existe, à Saint-Laurent, d'autres activités bien plus graves, comme une cache d'armes sous l'estrade de la salle d'étude.


 

  C'est Monsieur Dawans, professeur de français-histoire-géographie, qui a fait de l'institut un poste de commande de la Résistance sous toutes ses formes.

  Photo du major Dawans, grade obtenu après guerre pour services rendus à la patrie.

  Mobilisé en septembre 1939 comme officier de réserve au fort d’Eben-Emael, le lieutenant Dawans est attaché secrètement comme officier de liaison au War Office anglais, en vertu des accords militaires conclus entre les gouvernement belge et britannique.

  Le 28 mai, peu après la capitulation de l’armée belge, il est capturé et enfermé au camp de Brasschaat, près d’Anvers, d’où il est libéré peu après en sa qualité d’officier de réserve.

  Aussitôt rentré dans son foyer, il retourne à Saint-Laurent. Durant toute l’occupation allemande, de juin 1940 à septembre 1944, il participe activement à de multiples et dangereuses activités clandestines au sein de l’Armée Secrète et de l’Armée de Libération. Nom de code : Sébastien Dubois, jamais identifié par les nazis.

  Dans son bureau (il est aussi secrétaire du préfet et bibliothécaire), il dissimule des messages ou paquets compromettants parmi les registres de présences, les carnets d'élèves, les paperasses quelconques et objets perdus...

  L'esprit patriotique règne à Saint-Laurent. Le 11 novembre, par exemple, jour que l'occupant interdit de fêter, les cours sont suspendus et remplacés par des séances de lecture, exaltant l'héroïsme des combattants de 1914-18. L'épopée du fort de Loncin est souvent à l'honneur.

  Les bombardements intensifs de mai 1944 entraînent la fermeture des écoles… En juin, a lieu le débarquement en Normandie, puis, trois mois plus tard, la libération de Liège…

   Septembre 1944: les soldats américains rue Sainte-Marguerite 


  7 septembre 1944. L'abbé Tomsen a les larmes aux yeux. « ILS sont là »…

  « ILS », ce sont les Américains. Ces alliés « animés d’un esprit d'un autre monde et d’une discipline ahurissante, manœuvrant un matériel fantastique et nous ramenant cette liberté perdue depuis plus de quatre années » !

 

  Hélas, d'autres coups cruels restent à venir : les bombes volantes déferlent sur la ville. Le 24 novembre 1944, un de ces V1 anéantit la pharmacie de l'hôpital militaire tout proche. L'explosion ébranle notre chapelle et brise les vitres de nos bâtiments scolaires.

Le V1 est tombé à l'emplacement de l'actuelle grille du casernement Saint-Laurent. Il a épargné le vieux porche du XVème siècle :

 

  Dès janvier 1945, l'institut accueille des membres de l'Armée de Libération, quelques contingents américains, puis, en mars, quatre cents déportés russes, qui logent dans le lavoir, la salle d'étude et les classes. Saint-Laurent devient un important centre de rapatriement, qui héberge les prisonniers ramenés d'Allemagne au fur et à mesure de l'avance alliée.

 

  Dans la salle d'étude de mécanique et certaines classes, la paille jonchant le sol sert de litière aux prisonniers rapatriés :

 
 

Les cours reprennent normalement dès la rentrée de 1945.

Voici une photo du corps professoral en 1948. Au premier rang, au milieu, les abbés Bentein, directeur (1), et Malo (2) :

 
  L'abbé Malo (qu'on aperçoit ici en uniforme militaire probablement lors de la mobilisation), je l'ai connu comme préfet de discipline au début des années 1970.

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