La Révolution liégeoise

Août 1789. La révolution éclate à Liège à l'instar de Paris le mois précédent. L'autoritaire prince-évêque François-Constant de Hoensbroeck feint de céder devant la foule en fureur, mais il réussit à s'enfuir et appelle à l'aide les princes allemands.

En novembre 1790, l'abbaye de Saint-Laurent loge l'état-major prussien venu rétablir l'ordre dans la cité. L'activité religieuse est perturbée, et l'occupant laisse une impressionnante note de frais.

En janvier 1791, le prince-évêque reprend ses fonctions, et les révolutionnaires s'exilent en France.

Pierre Servais Lys, nommé en 1790, sera le dernier abbé de Saint-Laurent.

En novembre 1792, le prince-évêque Antoine de Méan (Hoensbroeck vient de mourir deux mois plus tôt) contraint l'abbé de Saint-Laurent d'accueillir le comte d'Artois, frère cadet de Louis XVI (le futur Charles X), chassé de France avec ses proches. Les moines sont troublés par les moeurs frivoles de cette cour en exil, qui se sauvent au bout de vingt jours, à l'arrivée des troupes françaises du général Dumouriez, le vainqueur de Jemappes.


L'armée républicaine française entre à Liège par la porte Sainte-Marguerite, où la population se rue pour acclamer ses libérateurs.

Ces soldats sont épuisés, mal nourris, mal protégés du froid. Il faut ouvrir des hôpitaux pour soigner les blessés, les malades, les galeux, les vénériens... Les Bénédictins de Saint-Laurent doivent se résigner à l'installation d'un hôpital de campagne au rez-de-chaussée, y compris dans l'église et le cloître...

Un rapport de janvier 1793 signale la présence, à l'abbaye devenu dispensaire, de 657 patients. Il parle d'hygiène catastrophique, d'incompétence, de malpropreté, d'alcoolisme...

Le total dénuement de ce dispensaire oblige les autorités militaires à se servir chez l'habitant en vivres, charbon etc... Ci-contre, un billet de réquisition de février 1793 (avec l'orthographe
« Saint-Laurand »)

L'armée est en outre chargée de dresser un état détaillé des biens ecclésiastiques, pour le faire parvenir au Conseil exécutif de Paris. Les religieux tentent de mettre en lieu sûr leur argent et leurs objets précieux. Ils envisagent même de fuir.



La Restauration

Mars 1793. Victorieuses à leur tour, les troupes autrichiennes entrent dans Liège.

Pour les moines de Saint-Laurent, ce retour à l'Ancien Régime est un miracle. Redevenus maîtres chez eux, ils quittent leurs cellules à l'étage et descendent dresser le bilan des dégâts. Les « sans-culotte » et la « canaille liégeoise » n'ont rien respecté, ils ont profané l'église et emporté les ciboires. Dans les salles du rez-de-chaussée, c'est un vrai désastre : paillasses éventrées et nauséabondes, aliments pourris, murs salis, peintures abîmées, meubles cassés, crasse innommable. Les Bénédictins font évacuer les décombres, nettoyer les murs, restaurer le mobilier, procéder à des réparations pour près de vingt mille florins...


La période française

 

Après la victoire de Fleurus (26 juin 1794), l'armée française de Jean-Baptiste Jourdan reprend Liège, que les Autrichiens évacuent le 27 juillet.

 

 

Tableau de Jean-Baptiste Mauzaisse, 1835 (Versailles). Au centre, le général français Jourdan, le héros de la bataille. Au-dessus de lui, on peut apercevoir un ballon captif qui sert à observer les positions ennemies.

Cette fois, les moines de Saint-Laurent n'ont pas couru le risque de rester à l'abbaye. Ils se sont dispersés dès le 20 juillet, beaucoup s'étant réfugiés en Allemagne.

Les portes du couvent abandonné sont immédiatement forcées pour y réinstaller le dispensaire militaire de 1792. Les autorités françaises le baptisent l'« Hôpital de la Liberté ».

En 1795, l'ex-principauté de Liège est intégrée à la France. Liège devient le chef-lieu du département de l'Ourthe.

Les années qui suivent voient les biens de l'abbaye démantelés. Beaucoup de richesses s'en vont « gonfler le trésor de la république », du moins celles qui ont échappé aux profiteurs organisés ou aux chapardeurs occasionnels. Le mobilier est cédé en vente publique, les livres sont déménagés à la Bibliothèque nationale créée au palais, où règnent l'incurie et le vol.

Les bâtiments souffrent de ces années terribles. L'église, par exemple, se dégrade énormément ; elle devra être abattue en 1809. En 1797 déjà, les cloches ont été descendues et entreposées à Sainte-Agathe, puis au palais ; elles ont fini par être vendues au poids comme métal non ferreux !

Portrait du médecin Magnan, directeur de l'hôpital militaire de 1805 à 1811 (Cabinet des estampes de la ville d'Anvers)


En 1802, le génie dresse un plan d'aménagement des lieux. En 1810, la propriété des bâtiments est attribuée à la municipalité, mais l'armée s'en réserve la location.

En 1814, on dénombre à Saint-Laurent jusqu'à sept cent cinquante patients de diverses nationalités. Le phénomène est du à la présence à Liège des troupes coalisées contre Napoléon. À l'hôpital, Russes, Prussiens, Autrichiens, Suédois, Hollandais, Brémois, côtoient une cinquantaine de soldats français considérés comme prisonniers de guerre.

En 1815, la bataille de Waterloo amène son lot de blessés, principalement prussiens.



Après le Congrès de Vienne:

En 1815, le Congrès de Vienne rattache la Belgique aux Pays-Bas.

Sous le régime hollandais, l'ancienne abbaye de Saint-Laurent est d'abord aménagée en caserne : une garnison de mille hommes y stationne le temps qu'on agrandisse la citadelle sur les hauteurs de Sainte-Walburge.

De 1823 à 1825, l'endroit devient une prison militaire, puis le gouvernement, qui a repris la propriété des lieux, met les bâtiments à la disposition d'un industriel qui y installe une fabrique de mousseline.




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